"Prévention et guérison selon Hildegarde de Bingen"
INTRODUCTION
QUAND L’ANCIEN REVIENT AU GOÛT DU JOUR
L’intérêt pour la médecine naturelle s’est considérablement développé depuis ces dernières années, particulièrement dans la nouvelle génération, qui se tourne de plus en plus vers les remèdes naturels (plus de 70 % ayant moins de 40 ans).
Jamais dans son histoire, l’humanité n’a disposé d’autant de savoir et d’expérience, et ce dans tous les domaines, pour mener une vie heureuse, harmonieuse et saine, et entretenir ou rétablir sa santé. Cependant, dans les pays les plus riches, on observe paradoxalement de nombreuses maladies chroniques et une forte mortalité liée à elles, touchant plus de 80 % de la population.
Les plus courantes de ces maladies, dites « de civilisation » sont les maladies cardio-vasculaires, le cancer, les rhumatismes, le diabète et la cirrhose du foie.
Plus grave encore, la médecine officielle estime que, de nos jours, il existe plus de 40 000 maladies différentes dont la plupart sont considérées comme incurables. Pourtant, il y a à peine cent ans, un grand nombre de sociétés traditionnelles vivaient proches de la nature, en relative bonne santé et les maladies de civilisation leur étaient totalement inconnues. En revanche, au cours de ces dernières années, le coût des soins de ces maladies de civilisation a littéralement explosé. En 1983, on dépensait, en Allemagne, « seulement » 200 environ milliards de marks. En 1996, on dépassait déjà les 300 milliards, dont 235 rien que pour les caisses de la sécurité sociale légale.
Une telle évolution nécessite un changement des comportements urgent, un art de guérir efficace, tenant compte de l’homme dans son intégrité et exigeant de lui qu’il soit responsable dans l’entretien de sa santé. Il est donc indispensable de mettre sur pied une politique de santé publique, tant sur le plan administratif, que médical.
Que l’alimentation et le style de vie aient une influence primordiale sur la santé est aujourd’hui admis par toues les grandes organisations mondiales pour la santé. On sait que 80 % des maladies dites « de civilisation » sont dues aux excès alimentaires et à une vie stressante.
Ainsi faudrait-il concevoir une toute nouvelle politique de santé publique, axée avant tout sur la conservation de la santé. L’ensemble des organismes de santé ne devraient pas faire autant de profits. Une prévention permanente des éventuelles maladies conduirait à une baisse substantielle du coût des soins.
En d’autres termes, un système de santé qui attend pour traiter les patients que les maladies soient déclarées est voué à l’échec. Une intervention rop tardive ne peut être vraiment efficace, elle est ruineuse pour la communauté et souvent rtop agressive pour l’organisme. Aucune société ne peut durablement supporter un système bâti sur de telles bases. Il est bien plus facile de prévenir les maladies que de les guérir. D’où l’importance pour chacun de se prendre en main pour assurer son bien-être physique et psychique.
S’il est vrai que les maladies chroniques ne sont qu’une conséquence, une réponse de l’organisme à des erreurs alimentaires et à un style de vie inapproprié, seul un changement de ces comportements peut rompre le cercle vicieux. L’art de guérir de sainte Hildegarde représente un bon début d’alternative puisqu’il agit déjà aux stades préliminaires de la maladie et va tout à fait dans le sens d’une médecine préventive.
Dans cette optique, le directeur de l’Union fédérale pour l’éducation en matièer de santé, le docteur Wolf von FreytagLoringhoven, écrit :
Le fait de ne plus donner la priorité à des facteurs de risques particuliers (cigarette, hypertension artérielle, obésité, manque d’exercice physique, taux de cholestérol trop élevé), permet de penser que l’on se dirige vers une vue globale des conditions de vie. La tentative actuelle d’adopter un point de vue global sur la vie psycho-sociale et somatique est plutôt avant-gardiste. Ainsi, les conceptions médicales de sainte Hildegarde sont également d’avant-garde.
L’art de guérir de sainte Hildegarde comporte « six règles d’or ». Ces règles demandent un certain ordre dans l’organisation journalière et d’accepter certains principes, valables pour tous. Ni l’homme bien portant ni le malade ne peuvent se passer d’un certain art dans la conduite de leur vie. Le mot grec diaita exprime particulièrement bien ce déroulement harmonieux et bien ordonné de la vie humaine.
Ces six règles d’or de la vie sont une sorte de condensé de « l’art de guérir de Sainte Hildegarde ». Puisque nous y serons renvoyés en permanence, nous les présentons dès à présent :
1) Préférez des remèdes naturels, tels que la nature nous les donne depuis sa création : dans tout ce qui est créé sont cachées des « subtilités » secrètes (énergies pouvant guérir) que nous ignorons tant que Dieu ne nous les a pas révélées.
2) Vos aliments sont vos remèdes.
3) Accordez-vous tantôt du repos, tantôt de l’exercice physique, pour compenser la perte d’efficacité liée au stress.
4) Veillez à un bon équilibre entre les phases du sommeil et les phases de l’activité, pour la régénération de tout l’organisme (nerfs, articulations et muscles).
5) Purgez-vous des mauvais sucs dans le corps, dans le sang et dans les tissus conjonctifs. Éliminez les poisons par la saignée, la scarification ou la moxibustion.
6) Prenez soin de guérir votre âme pour transformer les facteurs de risques somatiques (vices) en énergies curatives (vertus).
Au centre de cet art de guérir, unique en son genre et né sur la base d’une conception de vie chrétienne, se trouve l’étroite relation cosmique-médicale que représentent l’homme et son monde. L’homme est considéré comme une unité indivisible : corps et âme.
Aujourd’hui, sainte Hildegarde n’est pas seulement admirée par tous comme une prophétesse, théologienne, artiste et musicienne, mais aussi, et tout particulièrement, comme une scientifique dans le domaine des sciences naturelles. Cet honneur qu’on lui rend est entièrement en contradiction avec ce qu’elle disait elle-même et ce qu’écrivaient ses contemporains. Toute sa vie durant, elle a reçu son savoir directement d’un charisme de Dieu, simplement grâce à son don de visionnaire. Ses visions théologiques et son expérience de la création du monde forment un ensemble indissociable dans ses œuvres écrites. Ainsi, sa connaissance de la création de la nature s’inscrit tout naturellement dans un cadre théologique. Elle précise, dans son Livre des Œuvres Divines, Liber divinorum operum :
Ainsi que Dieu en a naturellement décidé, toute la nature, les animaux, les reptiles, les oiseaux et les poissons, les plantes et les arbres fruitiers, renferment certains secrets que ni l’homme ni aucune autre créature ne peuvent connaître ou appréhender, à moins que Dieu lui-même ne leur en ait fait don tout particulier.
Dans son ouvrage médical Causae et Curae sainte Hildegarde ajoute :
Ces remèdes m’ont été indiqués par Dieu. Et l’homme sera libéré de ses maladies, sauf si cela est contraire à la volonté de Dieu.
Aucun texte ne rapporte que Sainte Hildegarde ait pratiqué une activité médicale, et on ne lui connaît pas la réputation d’une « guérisseuse ». Il est seulement fait référence à des guérisons miraculeuses :
Avec de l’eau du Rhin, lors d’une traversée du fleuve, elle guérit un garçon handicapé ; par la prière, elle délivre un possédé : en touchant son vêtement, ou en lui montrant l’hostie, elle chasse le mal. Elle n’a jamais utilisé ses propres remèdes, ceux qu’elle décrit dans ses livres. Ces précieux textes ont même failli tomber dans l’oubli total. C’est grâce au docteur Gottfried Hertzka, de Constance, que les remèdes préconisés par sainte Hildegarde ont été pout la première fois systématiquement appliqués et ce avec un succès évident.
Sainte Hildegarde a déjà vu et compris, il y a huit cents ans, des choses qu’à son époque personne ne pouvait savoir et que, même aujourd’hui, la médecine officielle ne reconnaît pas encore entièrement. Ce lien entre les aspects religieux, cosmiques et médicaux de son art de guérir donne à notre « médecine naturelle » moderne, une impulsion nécessaire en matière de diagnostic et de remèdes. Cela va du galanga prescrit pour l’angine de poitrine (angina pectoris) et en prévention de l’infarctus du myocarde, jusqu’à l’épeautre pour les maladies de l’intestin, comme la colite ulcéreuse, la maladie de Crohn ou la maladie cœliaque.
L’art de guérir de sainte Hildegarde propose en outre :
- trente-cinq remèdes pour les problèmes cardiovasculaires ;
- plus de cent remèdes contre les affections rhumatismales ;
- plus de trois cents remèdes physio-thérapeutiques contre les maladies de la peau, que nous appliquons, entre autres, en compresses, bains de vapeur ou massages ;
- plus de cent remèdes contre les affections et maladies gastro-intestinales.
Les innombrables guérisons obtenues grâce à ces remèdes et l’expérience de la médecine de sainte Hildegarde acquise depuis plusieurs décennies, nous ont encouragés, le docteur Hertzka et moi-même, à mettre au point tout un programme de cure avec des traitements spécialement élaborés, et reposant entièrement sur l’œuvre de sainte Hildegarde, sur son art de guérir visionnaire Causae et curare, Les causes et les remèdes, et sur son traité de médecine naturelle Physica. Ces traitements ont tous été élaborés suivant l’idée que l’homme doit vivre en harmonie avec la création, dans son monde ambiant, et qu’il doit se soucier en permanence de la juste mesure, que sainte Hildegarde appelle discretio.
Au mois d’avril 1993, fut inaugurée la première « maison de cure Sainte Hildegarde » à Allensbach, au bord du Lac de constance. Nous y proposions des « semaines de ressourcement et de reconstruction de la santé » inspirées des directives de sainte Hildegarde. Au centre de ces cures se trouvaient la cuisine hildegardienne, l’emploi varié et multiple des aliments comme remède, ainsi que des semaines de jeûne et de régénération. Cette cure se déroulait en parfaite harmonie avec les six règles d’or de la vie que l’homme doit apprendre à suivre de façon responsable, pour son bien-être physique et spirituel, afin qu’il mette lui-même de l’ordre dans sa vie.
J’aimerais ajouter un mot de reconnaissance pour mes collaborateurs de « la maison de cure de Sainte Hildegarde », les remercier de leur esprit d’équipe et, tout particulièrement, ma secrétaire, Madame Maria Klug, pour son aide pendant la rédaction de ce manuscrit.
Dr Wighard Strehlow
Allensbach, sur le Lac de Constance, le 14 juin 1997