De l'Essence à la Substance

 

« Personne ne meurt, si ce n’est qu’en apparence, de même que personne en naît, si ce n’est qu’en apparence. En effet, le passage de l’essence à la substance, voilà ce que l’on a appelé « naître ». Et ce que l’on a appelé « mourir », c’est au contraire le passage de la substance à l’essence.

Rien ne naît rien ne meurt, en réalité. L’invisible devient visible, le visible devient invisible. Le visible est produit par la densité de la matière, l’invisible par la subtilité de l’essence. L’ÊTRE est toujours le même, il est tantôt activité tantôt repos. Car l’ÊTRE possède cette essentielle particularité que son changement ne soit amené par rien d’extérieur à lui-même : l’Entier devient parties et les parties deviennent l’Entier dans l’unité du TOUT.

Et si l’on demande : « Qu’est ceci qui est tantôt visible et tantôt invisible, tantôt dans le semblable et tantôt dans le différencié ? », on pourrait répondre que c’est là la condition même de chaque chose en ce bas monde. Lorsqu’une chose est imprégnée de matière, elle est visible, à cause de la résistance de sa densité ; lorsqu’elle est dépouillée de matière, elle est invisible à cause de sa subtilité — bien que la matière l’entoure sans cesse et la traverse, dans l’immensité de l’espace qui la renferme, sans connaître ni naissance ni mort.

Le changement des individus ne provient pas de l’entourage visible, c’est la SUBSTANCE UNIVERSELLE qui se modifie en chacun d’eux. Et quel autre nom que celui d’ÊTRE PRIMORDIAL pourrions-nous donner à cette substance ?… LUI seul agit et souffre, devient tout pour le TOUT et à travers le TOUT, divinité éternelle privée de son SOI réel, cachée sous des noms et des formes.

Aussi n’est-ce pas chose raisonnable que de gémir sur le sort d’un être cher qui change de plan parce que d’homme il est devenu DIEU ; et cela, non par une destruction de sa nature, mais par un changement d’état. En vérité, au lieu de pleurer sa mort, on devrait l’honorer et le vénérer. Il faut laisser à Dieu celui qui est rentré dans son sein. »

          Apollonius de Tyane
Philosophe contemporain de J.-C.

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